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6 avril 2009 1 06 /04 /avril /2009 17:53
Joaquim:  Je me souviens tu bandais comme un âne dans la salle de bain de la rue Meyerbeer en prenant une douche d'eau froide, pendant que la Junkie que j'avais ramené pour ton anniversaire te masturbait... Il fait pourtant frais dans un appartement non chauffé un 31 janvier jour de ton annive??? NON? Comment faisais-tu pour bander? En plus elle était moche, sanguinolente et peut-être porteuse du VIRUS!!! OUI comment faisais-tu?

Urbano : Non je ne bandais pas dans la salle de bains et elle ne me masturbait pas, elle m'avait raconté que j'avais une tension constante dans l'épaule droite (j'allais souvent chez Angèle me faire masser cette épaule ) et elle faisait bouger mon bras lentement un peu comme en "fassiathérapie (je ne sais pas si ça s'écrit comme ça) et elle t'a demandé de faire bouger le bras gauche comme elle faisait et tu as refusé en disant que c'était n'importe quoi...
Il ne faisait pas froid car l'on avait branché le chauffage directement sur le compteur.
  J'ai couché avec elle dans la nuit avec l'impression que je baisais avec la mort ou une momie égyptienne, expérience étrange, glauque  et morbide mais pas dénuée d'excitation. Elle était plutôt cultivée dans le genre évaporée mystico new age avant la mode des années 90 / 00, nous avons en fait plus parlé que baisé jusqu'à l'aube.  J'ai longtemps pensé qu'elle pouvait être sidéenne, maintenant je pense qu'elle était anorexique ++ (après  avoir eu une ado anorexique  en cours  et en avoir parlé avec sa tante, sans tabou).

Joaquim: Oui tu as raison, au départ il s'agissait bien d'une vague histoire de massage, et tu prenais une douche froide car il n'y avait pas d'eau chaude dans cette salle de bain en marbre refaite à neuf. Je crois même que tu avais fait chauffer de l'eau dans une casserole en alu sur le camping gaz de mes parents. Tu me rappelles aussi fort justement que nous détournions l'électricité pour nous chauffer, nous étions branché AVANT le compteur et non sur le compteur: le froid avait eu raison de notre honnêteté...
Quant à la fille je l'avais trouvé dans le vieux Nice où nous nous étions rendu avec ton copain de Beausoleil qui s'était fait virer de sa cure de désinto et qui avait atterri là, je ne sais plus pourquoi....
Donc, j'étais allé avec lui dans le vieux Nice car il cherchait de la poudre et j'étais curieux de voir comment ça se passer ce genre de transaction, le frisson de l'enfant sage qui découvre les bas fond me parcourait l'échine...Et ton copain, je ne me souviens plus de son nom, a branché cette nana qui était en manque, mais connaissait un dealer. La transaction faite, elle nous a suivi pour profiter de l'achat de ton pote...En arrivant à l'atelier Pli Urgent tu as regardé surpris  cette pauvre fille maigre et tremblante et je t'ai dit: "Tiens, je t'ai ramené ton cadeau d'anniversaire..."Nous étions le 31 janvier.
Mais tu as tort quand tu dis que tu ne bandais pas, je me souviens très bien du regard ironique et pétillant de ton pote qui venait assister à la séance de massage après s'être poudré le nez, et qui, en me regardant, brandit  son avant bras  tout en serrant le poing... Peut être pour me faire un bras d'honneur?

Urbano: Le pote en question s'appelait Serge, nous étions amis d'enfance, habitant le même quartier, il est mort du sida quelque mois ou années après.....
Par contre comment est il arrivé chez nous ?
Lui avais je donné notre adresse en le rencontrant un jour où je rendais visite à  ma mère? je ne me souviens pas....
  Pour en revenir à la nana :  squelettique, des cuisses comme mes bras, des seins  chiffonnés plats et ridés comme du linge sâle, plaqués sur des côtes saillantes, la vulve proéminente, violette et saignotante. J'ai baisé debout,  elle le cul  sur le lavabo qui s'affaissa. Je l'ai remis à peu près en place et nous avons terminé  sur le lit.
 Le lendemain nous l'avons laissé quelque part dans la ville et nous avons filé à Gorbio pour le weekend.

Joaquim : Tu te rappelles que tu lui as pissé dans la bouche...Tu en étais surpris et un peu fier aussi....

Urbano : Oui tu as raison, j'avais oublié, un grand moment de perversion dans cette nuit étrange, c'est exact j'en étais fier......
Je ne sais plus quand, mais c'est suite à cette nuit que Rinaldi débarqua chez ta Mamie :  un dégat des eaux assez conséquent chez le locataire d'en dessous l'avait conduit à inspecter Pli Urgent. Le lavabo gisait dans un geyser. Le chauffage à bain d'huile était  branché hors compteur  directement sur le réseau EDF. Et manifestement tu n'étais pas seul  à vivre ici comme l'avait promis Mamie.....
 Rinaldi a craqué, en plus Mamie qui résistait toujours à ses avances ça lui donnait des gaz.
 La fois où on l'avait vu ensemble on avait conclu qu'il devait être constipé.....

Joaquim : Non ma mamie n'a été prévenue que plus tard. Nous sommes rentrés comme deux fleurs la semaine suivante de notre week end à Gorbio...A cette époque les nouvelles n'allaient pas aussi vite qu'aujourd'hui même si nous étions au début des années 80, le téléphone ne chauffait pas comme aujourd'hui....Personne ne nous avait prévenu et nous constatâmes juste quelques traces de boues dans l'appartement, mais comme nous étions plutôt absent côté ménage, ça ne choquait pas trop dans le décor...
C'est la voisine qui nous mis au courant des événements du week end, une inondation venant de chez nous avait inondé la boucherie en dessous . Comme nous n'étions pas là le boucher avait prévenu les pompiers qui avaient  défoncé notre porte et avaient trouvé le lavabo de la chambre effondré sur le sol les tuyaux fendus crachant des litres d'eau à la minute....

Urbano :  Mission Totale (composé de mon cousin Fifi ex GAV, des frères Giacomoni copains d'enfance et d'un grand maigre dont j'ai oublié le nom) nous bassinait gentiment car  ils avaient une toile dans les collections du Musée de la Marine, une expo de groupe réalisée et  une autre à Genas (banlieue de Lyon) en vue.... ça nous foutait les boules même si on en ricanait avec eux...

 Joaquim: C'est beau Patrick tu parles comme un livre avec les parenthèses et tu sautes du coq à l'âne, j'espère que nos lecteurs vont s'y retrouver, t'as jamais été très méthodique... ...C'est vrai, le groupe Mission Totale était plus méthodique surtout grâce au jeune Giacomoni, qui, lui, s'y connaissait en ART....
Hé, oui, nous, on avait du mal à s'imposer à Nice, et puis on se dispersait, on touchait à tout, l'émission de radio une fois par semaine et puis notre projet de créer une boutique de souvenirs à Gorbio.

Urbano : Il faut bien parler de quelque chose de notre passé commun, c'est quand même le but de cet exercice.... la radio c'était quand même super, le générique de Mireille Matthieu chantant ce n'était rien qu'un caprice d'enfant... tellement ringard et nul. Cela a surpris, même nous ! Au début on disait que c'était  une émission pour femmes mûres  : des disques piqués à ma mère genre Come è prima, Volare, A Solenzara, des mambos, des cha-cha-chas, des fox trots, de la musique de croisière des années  quarante à soixante.
La musique était entrecoupée des conseils du professeur Urbano et du Docteur Joaquim (de pauvres squetchs qui se voulaient comiques et décalés et que l'on récitaient mal, qui parlaient de libido...) Puis on  a vite passé les 33 tours vyniles des seventies de la radio en 45 tours....les présentant, avec notre voix suave et sexy, comme  des nouveautés ramenées de Londres ou d'Amsterdam...entrecoupé de lecture prise au hasard  d'articles ou d'entre filet d' Actuel, Sciences et Vie ou n'importe quel magazine.

Joaquim: Oui je sais j'y étais.

Urbano : Je ne l'avais pas oublié... mais nos lecteurs n'y étaient pas.....
Pour continuer à exposer ce que tu connais déja, le quart d'heure dédié aux expériences sexuelles  des auditeurs nous faisaient bien marrer, nous descendions en rafales les petits malins qui essayaient de faire coquins branchés puis   nous avions réussi à fidéliser deux auditeurs qui devenaient des co animateurs : le gars qui racontait comment il avait fait l'amour à une femme de gendarme dans une caravane  et autres épisodes salaces, et  Su-Lin (que je pensais Souline) danseuse russe qui fit exploser le quart d'heure   le rendant torride.....Et les messages à Serge le séquestré.

Joaquim: Sulin n'était pas russe mais iranienne, elle nous avait téléphoné à la radio lorsque nous avions demandé si quelq'un parmi nos auditeurs voulait bien faire l'amour en direct.
Puis elle est venue nous voir à l'atelier "pli urgent" et je l'ai raccompagnée chez elle, mais notre projet de faire l'amour en direct à la radio ne s'est jamais réalisé...Je me souviens du soir où nous avions annoncé que nous allions le faire...D'habitude les locaux de la radio étaient toujours vide à cette heure tardive, mais ce soir là un responsable traînait dans les bureaux l'air de rien...Nous surveillait-il?

Urbano : Visitant St Paul de Vence (paradis de l'art contemporain,  de la jet set, du tourisme  et du commerce bas de gamme) nous découvrïmes un atelier de terre cuite réalisant de petites maisons pouvant s'assembler en villages miniatures, exportant ces produits dans tout le pays et peut-être au delà.
Cela  m'a plu parce que j'ai un faible  pour les crèches  et toi  pour les trains miniatures (peut-être)...
Naturellement l'idée de créer une boutique de souvenirs  germa dans  nos esprits  préoccupés par le gain immédiat de quelque argent  afin de manger et puis le reste s'il en reste....
Un peu de souvenirs en bois d'olivier et des petits villages inspirés de l'atelier sus-cité  pouvaient faire l'affaire, si l'on pouvait avoir la cave de Mamie sur le chemin de l'église, au village...

Joaquim: Je vois que tu as envie de changer de sujet...C'est dommage, on aurait pu parler de notre émission avec Serge, qui fut pour moi l'apogée de notre brève carrière sur les radios libres...Elles furent supprimées cette année là, les radios libres...et notre émission un peu avant, je crois...
C'est vrai que pendant la même période nous avions décidé de créer une boutique de souvenirs à Gorbio. Mais tu oublies que la cave de Gorbio m'était acquise depuis plus de deux ans et que j'en avais fait mon lieu privilégié d'expérimentations artistiques, j'y avais aussi organisé des fêtes, nous y passions de nombreuses soirées. Elle était toute désignée pour devenir une boutique, car elle ouvre sur la rue principale du village..Te rappelles-tu comment nous avons trouvé l'argent pour acheter des babioles en olivier???

Urbano : Revenons aux messages adressés à Serge le séquestré....(Tu peux toujours intercaler le texte à la suite de celui où je l'aborde et peut être changer de chapître pour parler de la  boutique ?)

Joaquim: Je ne compte pas m'emmerder à ce point, un dialogue est un dialogue...Je ne compte pas revenir en arrière, sauf éventuellement pour censurer des paroles que l'on pourrait nous reprocher... Et  les chapitres me font trop penser à la première partie. Je changerai de chapitre quand overblog me le demandera... Continuons à parler ensemble...Je n'en demande pas plus.
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Joaquim: Hé, Urbano tu dors? Je ne savais pas que tu pouvais t'endormir si vite....et réveille toi!!!

Urbano : Excuse moi... je rêvais.. peut être ce deuxième petit verre de Brandy bas de gamme italien qui cogne l'estomac et disperse les idées....
Bien revenons à "Caprice d'enfants" et à Serge le Séquestré :
À un moment donné nous avions décidé de lancer un petit message à notre ami Serge qui suivait des cours chez Esmod  à Nice et habitait une chambre chez une vieille dame qui respectant les consignes parentales lui interdisait de sortir sauf pour ses cours. Nous ne voyions Serge que le week end et en catimini de ses parents qui nous estimaient pas vraiment....Le soir de notre émission il nous écoutait sur son transistor et nous lui envoyions des dédicaces, des allusions, des privates jokes et autres. Nous annoncions ce moment en disant : "et maintenant nos messages pour Serge le Séquestré".....
Rien d'extraordinaire, si ce n'est que l'on nous a soupçonné de passer des messages codés à un détenu de la prison de Nice qui se situait à 10 mètres de la station radio et qu'il a fallu nous en expliquer... NON ?

Joaquim: Mais il me semble qu'un soir nous avons réussi à faire venir Serge à la Radio, et que nous l'avons interviouvé. J'ai longtemps conservé la cassette audio qui avait été enregistrée par Annette, mais où est-elle aujourd'hui? La cassette pas Annette.

Urbano : Exact ! On avait présenté la chose  comme un scoop...la libération de Serge le Séquestré, interviouve exclusive !!! Totalement improvisé et déconnant... Je revois Serge les yeux brillants, écarquillés, ses gloussements, son rire guttural, les doigts jonglant avec sa clope ou bien enfouis dans sa bouche en écoutant la question..... Annette avait enregistré l'émission dis tu? Je ne m'en souvenais pas, Serge l'avait rencontré à Esmode, il l'avait ramené au village un week end je pense, non ? On s'est tout de suite tous bien entendus... Elle riait un peu comme Serge et ses yeux brillaient ... et elle aimait bien rire...Une drôle de dégaine aussi, une allure un rien psychotique, de l'air frais, très ..... Et cette même envie de création et de délire.

Joaquim: C'était beau, nous étions jeunes et larges d'épaules, on attendait que la mort nous frôle, on the road again, again....
Ah.... cette chanson me rappelle notre première déconvenue niçoise, le directeur de la galerie dite "de la Marine" qui dépendait des Musées de Nice, un jeune à l'air sympa refusa de nous exposer dans sa série d'expos qu'il avait baptisée "Peintures Fraîches" et sous titrée "On the road again" pour l'expo du groupe Mission Totale...
Devant nous, il avait répondu  à Ben qui gentiment insistait sur le mode "Plus on est de fous plus....": "Stop! Après Mission Totale, c'est fini la barbouille..."
En quoi il se fourrait le gros doigt dans l'oeil parce que la barbouille a duré encore des années et traîne ses guêtres dans les expos aujourdhui encore....
Mais quoi? Nos gueules ne lui revenaient pas? Avait-il peur?
Nous avions boudé le vernissage de Mission Totale, qui paraît-il s'était terminé par une destroy totale...Le directeur du Musée: Bernard Sanchez, je me souviens de son nom maintenant, avait, paraît-il, écrit au monde entier de l'art pour essayer de les interdire d'expos...sous prétexte qu'ils étaient trop d'extrême droite...Il zappait complètement que pour un artiste la politique est une matière ou une couleur, et qu'elle s'emploie pour attirait l'oeil, ou effrayer le spectateur..drôle de directeur d'expos...Remarque aujourd'hui on les appelle des commissaires d'expositions, ça fait frémir, non?  Sont-ils une couleur ou une matière ou les deux?

Urbano : Nous avons toujours été agacés par ce genre de gens, ils ne sont que le poil du pinceau qui se décroche et reste pris dans l'oeuvre, ou... les gouttes tombées à terre ! Ce jour là, je crois qu'il voulait montrer son pouvoir et désirait qu'on le courtise... Il ne devait pas aimer la figuration libre, pour  lui  la peinture se devait d'être élevée. Mais comment et pourquoi, je suis sûr qu'il est toujours incapable d'y répondre et  que c'est pourtant  son principal critère de sélection. La peinture souffrance de l'âme (reflet ou produit), l'artiste torturé par la maïeutique and so, qui implique que le rire n'est que grimace du démon et l'ironie de Socrate une hérésie paienne ! Bien rasés avec nos chaussures pointues, nos pantalons trop courts,  nos sourires de renardeaux, nos coiffures dans le vent et nos deux oreilles, il lui fallait que cela cessa ! La profanation avait assez duré !!!
Le pauvre .....  puisse -t-il avoir pu sourire, simplement et sans penser,  un jour devant la Fontaine de R.Mutt.......

Joaquim: Oui, ils ne sont que des gouttes tombées à terre...A propos de gouttes, te souviens-tu du nombres de goutelettes de peinture qui constellait les tommettes niçoises du sol de l'atelier Pli Urgent? Te souviens-tu que pris d'un soudain remord au moment de quitter définitivement cet appartement, nous tentâmes d'en nettoyer le sol? Et que pour se faire nous y épendîmes de la lessive St Marc pure que nous laissâmes "travailler" tout un week end? Le résultat fut parfait, à notre retour le sol était parfaitement décapé, chaque tommette avait perdu son émail et retrouvait sa couleur naturelle, si l'on veut ....J'imagine la tête de Rinaldi en découvrant le carnage...un de plus dans son appartement déjà à moitié en ruine.

Urbano : Ma foi...je suis sûr qu'il pensait virer ces tomettes pour les remplacer par du marbre, bien plus propre et riche.... Il y eut aussi le buffet Henri III sur lequel nous faisions sécher les petits villages que nous modelions dans la glaise ... Il était recouvert d'auréoles blanchâtres. Pour revenir à ce que tu me demandais tout à l'heure : non je ne me souviens pas d'où vint l'argent pour la boutique, je bossais chez Quick burger à mi temps, je me rappelle avoir vendu un fauteuil Voltaire de la maison de Païgran à Antoine le brocanteur... fauteuil que j'ai périodiquement regretté, mais je ne sais plus si c'était pour ça ou pour payer l'eau et l'edf.... Avant de quittter Pli Urgent je me souviens d'être passé chez les Chanjour un samedi aprèm, je bossais le soir et étais resté à Nice. J'avais tchatché avec Jennifer, l'assistante de chez  C. Issert, qui, tout sourire, a accepté de  voir nos peintures  à l'atelier et m'a invité à prendre contact avec sa patronne pour lui montrer notre travail...mais l'idée de la boutique était déjà en route me semble t il...

Joaquim: Pour financer la boutique et notamment l'achat de boîtes en carton pour les villages en terre pas cuite, un dévidoir et le papier d'emballage qui allait avec, des objets en bois d'olivier que nous comptions personnaliser, nous avons vendu pour 1000 francs, une chambre complète dont ta grand mère se séparait et dont nous l'avions gracieusement débarassée, ainsi qu'une armoire "chapeau de gendarme" qui avait atterri, je ne sais trop comment, dans mon atelier de la rue Garibaldi à Gorbio.
Donc tu as gardé l'argent du fauteuil pour d'autres frais....La vente de ce fauteuil t'a toujours tracassé, tu devrais, maintenant que tu es riche, t'en acheter un autre.
Quant à Jennyfer Flay cette rencontre va déterminer la suite de notre parcours...Mais je ne me souviens pas qu'elle soit venue à l'atelier Pli Urgent, elle t'a juste conseillé d'aller voir sa patronne Catherine Issert à St Paul, ce que nous avons fait...et nous y sommes retournés régulièrement jusqu'à ce qu'elle nous expose. Mais Jennyfer  a vu nos peintures à l'exposition collective que Ben avait organisée dans les ruines de la gare des Chemins de Fer de Provence dite Gare du Sud. Jennyfer y était venue prendre très sérieusement des notes sur son petit carnet pour faire un compte rendu à sa patronne.

Urbano : Exact ! Décidement ma mémoire ne vaut pas un clou !

Joaquim: Au printemps de 1983 nous avons donc quitté l'atelier Pli Urgent pour ouvrir "la boutique de souvenirs" dans mon atelier à Gorbio....
Puisqu'on parlait d'argent, ma mère a tenu à payer la note d'électricité à Rinaldi, car nous avions été obligés de restaurer la ligne EDF dans son cours légal...aussi le compteur avait-il tourné....1000francs.
C'est le déménagement de nos sculptures alimentaires qui a été le plus artistique...

Urbano : Oui... j'aimais bien aussi la maxime de la cuisine.... Avec le décès de Païgran j'avais hérité de cent litres de vin en bonbonnes que nous avions décidé de mettre en bouteilles. Pour cela nous avions besoin de bouchons, j'avais donc écrit : "bouchons" en majuscules sur un feuille A4 et je l'avais punaisé sur le mur en pense-bête. Un jour j'avais rajouté : "nous" à la suite.... Nous l'avions laissé en place durant le reste de notre séjour. "BOUCHONS NOUS" cela nous faisait sourire et rendez nos visiteurs interloqués pour notre plus grand plaisir. Je sais, je saute du coq à l'âne, mais laisse venir et tu verras que pas tant que ça.... En effet la maxime était prémonitoire à moitié, je m'en rends compte à présent.......
Voila qui est dit passons au déménagement des sculptures alimentaires, ce fut, en effet quelque chose ! Nous nous rendîmes compte en les reprenant sur le mini balcon que les pigeons avaient percé l'adhésif, que les pattes et têtes avaient une couleur verdâtre et plus encore dans les deux bocaux. L'odeur qui s'échappaient des adhésifs était répugnante. Nous jetâmes le tout dans un immense sac poubelle en plastique noir avec tout ce que nous ne voulions point ramener au village. Je le pris pour le descendre au local poubelle. L'affreux pesait un âne mort... J'entrepris, lors, de le tirer plutôt que de le porter dans les escaliers. Une dizaine de marches plus tard un bruit de verre cassé  m'avertît que les bocaux avaient vécu. Une odeur pestilentielle commença à conquérir la cage d'escalier. Je tirais néanmoins le sac jusqu'en bas et le mis dans une poubelle, L'odeur était atroce, un mur compact, épouvantable, comme si l'on venait d'éventrer un charnier...! Je remontais quatre à quatre les marches, remarquais des traces liquides et t'informais de l'origine de cette puanteur. Nous prîmes nos cliques et nos claques, dévalâmes l'escalier tout à la fois en apnée, rigolants, incrédules et épouvantés. Nous jaillîmes sur le trottoir entre la boulangerie et la boucherie tandis que l'odeur envahissait la rue. Pleins de fou rire nous nous réfugiâmes dans la Simca et  prîmes la  route pour de nouvelles aventures !!!  Ou quelque chose comme ça... NON ?  Avons nous nettoyé les traces ?

Joaquim: Nous n'avons pas nettoyé les traces...mais nous ne sommes pas partis aussi vite que tu le dis car je me rappelle de la tête consternée du boucher en dessous de chez nous et dont l'arrière boutique donnait sur le local à poubelle. Lorsque nous sortîmes prudemment de l'appartement, toutes les portes et fenêtres de la cage d'escalier étaient ouvertes: quelqu'un avait tenté d'expulser l'odeur, en vain, elle demeurait là.
Dans sa boutique désertée, le boucher  nous jeta néanmoins un regard suspicieux, inondé un jour, empuanti un autre, nous l'avions gâté!

Urbano : Joie !!! Noël !!!
Bon, rentrés au village, dans les jours qui suivirent nous avons commencé à aménager la boutique. Nous sommes allés au dessus de Breil chez un menuisier près de la Roya pour des objets en bois d'olivier. Stupéfaits nous avons constaté que le prix d'achat qu'il proposait était plus élevé que le prix de vente que nous supposions... nous avions fini par en dénicher, je ne sais plus où, bien moins cher. Nous avions pris des couverts à salade, des pots à épices et un autre truc, enrageant d'être si peu pourvu d'argent... Le pire ce fut les boites pour les villages, impossible d'en trouver de déjà prêtes, il a fallu les faire sur mesure. Mais que le dérouleur métallique vert métalisé pour le papier d'emballage était beau... Nous avons installé la boutique en recyclant tout ce qui pouvait l'être dans la cave de Mamy, vieux naperons rétro, masque à gaz et chaussures militaire de football, étagères métalliques, bonbonne en verre.... j'avais retrouvé des perles de verre datant de mes années baba-cool  et avec du fil de laiton nous fabriquions des boucles d'oreilles, des colliers, des bracelets... Il fallait de tout pour tous les goûts..... mais tout était dérisoire..... Néanmoins au bout d'un certain temps la boutique exista nous mîmes une vitrine (après autorisation municipale) de 50 cm sur 1m de long et un panneau sur lequel était inscrit : JOK-URB CRÉATION.

Joaquim: Je t'interromps dans ton monologue pour deux petites précisions, nous avons trouvé et acheté des souvenirs en bois d'olivier dans la zone industrielle de St Laurent du Var à  côté de Nice. J'étais un peu surpris de constater que tout ce que les artisans proposaient à la vente comme création personnelle, était en fait réaliser industriellement et se vendait pour une bouchée de pain...Les marges dans les boutiques d'artisannat étaient donc énormes, nous pouvions espérer devenir riches!!!
Un autre point que tu oublies de mentionner, c'est que nous nous sommes déclarés comme artistes et que nous étions donc sensés ne vendre que des pièces uniques...Nous avons donc peint d'ignobles petits décors sur les objets en bois d'olivier et nous les avons signés "GAVE" bien sûr... Voilà URB...tu peux reprendre....

Urbano: Proprétaire de la (jusqu'alors) seule et unique boutique de bijoux-souvenirs du village, le beau père de mon frère et mon frère (qui me battait froid) vinrent pour une inspection de leur concurence, le sourcil froncé et réprobateur, ils examinèrent scrupuleusement  chaque objet et son prix puis après ce long examen silencieux  ils s'en allèrent méprisants. Entre notre boutique et la leur, sous la voute, dans une cave ayant dans le temps appartenue à des miens cousins,  une autre boutique voyait le jour. Mais pour l'instant personne ne savait ce qui s'y vendrait.......
Dans l'arrière boutique de la notre, nous entassâmes tout ce qui ne pouvait  pas servir pour notre commerce et que Mamy ne pouvait abandonner. il nous resta trois mètres carrés et un mur : assez pour peindre ! Sur un panneau de bois l'on pouvait punaiser des feuilles  coupées dans le rouleau de canson, la hauteur faisait immanquablement 1,50 m mais la largeur variait avec un maximun à 1,30 m environ. Nous disposions d'unn recul de 2 m....  Nous exultions !!!
Tiens je me souviens d'un épisode que nous n'avons pas conté et qui concerne le local de la boutique... Nous avions pris en stop deux banlieusardes parisiennes et elles avaient accepté de poser nues pour nous  !......

 Joaquim: Oui, mais c'était l'été précédent et même précédent le précédent, en 1981 exactement....J'avais déjà investi la cave depuis deux ans et fait de menus travaux: chaulage, fenêtres, lintaux sculptés...Cet été là, nous nous servions de la cave pour nous mettre au frais, pas encore trop préoccupés par le rendement créatif...Et puis cet été là aussi mon père venait de me donner sa Simca 1100, et nous parcourions les routes de Gorbio aux plages, des plages à Gorbio, et c'est au cours d'une de ces virées que nous avons pris en stop la petite blonde et la longue brunette... Appelons les Sandrine et Djamilla...Elles acceptèrent de nous revoir et nous leur avons proposées de poser pour nous dans des déguisements de  notre invention..Tu avais eu l'idée d'aller dans un lieu de stockage de matériel de chantier, et nous y avions trouvé des casques, des tubes, enfin tout un bric à brac qui joint à celui que je possédais déjà dans la cave pouvait servir d'accoutrement post punk de l' ère (?) industrielle.. 
C'est avec mon petit Kodak instamatic  minable et sans flash que nous les avons photographiées.. dans la cave..Tu avais déguisé la brune et j'avais déguisé la blonde, et c'est vrai que les tenues étaient plus que suggestives et laissaient apparaître de grande portions de leurs peaux dénudées...
Mais nous n'avons jamais profité des clichés de Djamilla et Sandrine, car après les avoir amenés à notre pote le photographe allemand qui avait sa boutique juste à côté,  nous nous aperçûmes que les négatifs étaient vides... Pourquoi ? Manque de lumière ?  Erreur du photographe au développement ?... Djamilla a toujours cru que nous avions gardé les photos et comme elle a épousé un notable gorbarin.... alors chut....

Urbano : Avant de quitter Pli Urgent, nous avions eu la visite incognito de Fabienne et de son amie de squat. Nous étions stupéfaits de constater qu'elles étaient championnes en vol de victuailles bas de gamme, genre pâté de foie premier prix...

Joaquim: Oui impressionnantes voleuses! Elles avaient dormi chez nous, dommage que Beb'z qui recherchait peut être encore Fabienne n'était pas passé à l'atelier ce soir là...Peut-être  aurait-on eu droit à une nouvelle prise d'otages?

Urbano: Beb'z ne fréquentait plus Pli Urgent car  il avait rencontré chez Le Gaïné (crèperie et lieu de rencontre pour les marginaux dans un village voisin du notre) des membres d'un groupe de rock de cave et il tentait de s'en faire accepter. Je me souviens d'être allé assister à une de leur répitition, rock à la Téléphone et Lavilliers, paroles genre "pouetsie"... la blonde au clavier était mignonne mais coincée, enfin surtout  gardée par ses cousins, frères et copains. Beb'z y avait rencontré la cousine du parolier, une brunette coiffeuse et héroïnomane légère. Il ne les lachait plus, certain d'avoir rencontré l'âme soeur...

Joaquim: Ouais Laurence...C'était sur une colline au dessus de St Laurent du Var, l'ensemble: villa de merde toute neuve,  groupe de rock foireux et se prenant au sérieux, me plongea dans une profonde mélancolie... Les filles étaient moches comme des pets ratés, et connes surtout, la musique forte et sans humour.

Urbano: Revenus au village, nous avions notre minuscule cour.... Serge nous voyait en cachette, sauf quand il y avait Annette.. Serge m'avait fait rencontré, au café, Anna divorcée deux enfants dont l'ainé Éric (12 ans) était le meilleur ami du  petit frère de Serge : Nicolas, qui passait ses nuits à taper à la machine des récits d'aventures dont il était le héros en compagnie de ses amis locaux et saisonniers....  Nous lisions  "les Dames du lac" (épopée d'héroic fantasy arthurienne) qu'avait acheté Mencar. Tu pris le titre de roi Arthur,  moi de Merlin et Mencar celui de Morgane. Je me vois encore te  déclamant : "Il vous faut des chevaliers Majesté. Allons les quérir".... Serge fut promu Grand Chambellan du GAVE sous le pseudo de Zerch Saslavlo Timoré de la Peinture. Son frère et son copain : pages, sous je ne sais plus quels pseudos....  Puis  Éric et  Nicolas nous proposèrent d'incarner de participer en tant qu'acteurs secondaires dans le film qu'ils voulaient tourner avec le magnétoscope d'une tante. J'allais  les rencontrer et mettre ça au clair chez Anna. J'y fis la connaissance de son amie  divorcée avec fille : Viviane....
Tiens c'est le prénom de la fée qui .....

Joaquim: J'ai toujours trouvé ce délire sur la légende arthurienne complètement con, mais plus con encore on avait eu le trip "Illiade et Odyssée"... En fait ça nous servait de sujets pour nos peintures...ça ou autre chose...On peignait à tour de rôle sur les rouleaux de papiers canson que nous avait donnés ma mère, ça donnait une peinture surprenante faite de recouvrements successifs qui laissait apparaître la peinture du dessous...C'était la Destroy Painting comme l'avait baptisée Ben Vautier...Ce printemps là on a branché Michel Isnard qui était président d'une association culturelle, pour organiser une expos au presbytère de Gorbio. Et puis on a fait l'expo dont je te parlais  tout à l'heure à la Gare des chemins de fer de Provence avec plein d'autres peintres niçois où on avait exposé un ensemble d'une dizaine de peintures de 1m50 par 1m collées les unes aux autres, l'ensemble très flashie et sympa par son incohérence...

Urbano : Con... peut être... je me souviens d'un  court email que tu m'as envoyé avant d'écrire la deuxième partie de ce blog,  qui disait : "quand me forgeras tu une épée digne de ce nom ?".......

Joaquim: Les sujets que je trouve cons m'ont toujours attiré et nous en avons eu un "sac" comme on dit...A ce moment là,  pour moi, il s'agissait de délires propices à nous mettre en situation d'affrontement créatif. Ce que je trouve intéressant dans cette période c'est surtout la façon dont nous avons tenté de faire coexister nos deux types de représentation sur le même tableau. Nous avons réalisé plusieurs séries de ce style de peintures avec des thèmes différents  et le public était intéressé par cette expérience assez rare. Rare dans le sens où les artistes qui créent ensemble ont tendance la plupart du temps à réaliser des oeuvres qui semblent être l'oeuvre d'un seul, alors que nous avons tenté de montrer que nous étions plusieurs, en tout cas au moins deux... Quant à la question "quand me forgeras tu une épée digne de ce nom ?"....... Elle faisait surtout allusion à ton attirance pour le travail de la forge et c'était une façon de t'appeler à la création...Une sorte de parabole quoÂÂÂ!!!

Urbano:..................................................................................................................................

Joaquim: Nous n'avons que quelques photos de notre boutique de souvenirs à Gorbio. C'est peu mais c'est déjà suffisant pour se rendre compte que nous avons fait en 1983 une belle installation, à l'époque le terme est peu utilisé dans l'Art ...En dehors de notre production picturale "classique" de tableaux, nous avons toujours eu un penchant pour des créations d'environnement et celui de la boutique pompeusement appeler 'L'atelier de Création" sous titré "Jok-Urb Création GAVE" ne manque pas d'un humour décalé que nous ne percevions pas vraiment à l'époque.

Urbano : En effet..  on peut aussi parler de performance...
il y a des oeuvres qui me plaisaient bien : l'assiette posée sur le chauffage au gaz , juste à coté de l'entrée, assiette contenant une petite pancarte sur laquelle était inscrit  : "pour l'électricité" et une autre assiette accrochée sur le mur en diagonale par rapport à la précédente : une assiette souvenir du Mercantour contenant en son centre une tête de bouquetin en plastique que nous avions peinturluré de couleurs criardes et sur laquelle nous avions inscrit "à Doîstoievski"....

Joaquim: ..."amicalement Dostoievski"....

Urbano:.....d'autres assiettes ont suivi, des assiettes en carton, surlesquelles on dessinait ou peignait des reliefs de repas de plus en plus incongrus....
du côté du kitch le plus absurde je dirais les minis jardins de cactées en terre non cuites et peintes... une abomination !!!!!!
tiens à propos d'abomination : l'odeur..... vu que l'on peignait dans l'arrière boutique l'odeur persistante et puissante du white spirit et de la glycérophtalique se mêlait à l'odeur de moisi caractéristique des caves..... 

Joaquim:...Certes... mais il y avait aussi l'odeur de l'encens d'église: une de nos connaissances nous l'avait donné avec tout un bric à brac de souvenirs de voyage dont il se débarrassait...c'était un monégasque avec une canne.... On a essayé de vendre le bric à brac aussi....mais pas le monégasque...Pourtant à cette époque on commençait à se dire que certaines personnes proprement exécutées et conservées dans des blocs de résines seraient du plus bel effet dans une expo. Malheureusement nous manquions de moyen et ce n'est pas la gestion de la boutique de souvenirs qui aurait pu nous apporter le financement dont nous avions besoin...

Urbano : Oui,  c'était René la canne.. Je n'ai jamais su pourquoi il boitait... c'est sans importance.... Question résine il est des points  de droit  qui, de toute manière, nous auraient empêché de donner corps à ces oeuvres, si je puis dire.....
La boutique quand j'y pense ça m'a amusé, ça m'a empêché de mourir de faim surtout..
ça nous a fait peindre.... celà m'a fait rencontré Karine aussi ... C'était un point de rencontre, les potes passaient, le vieux cousin avec ses bouteilles de vin, les gosses qui nous aimaient bien et qui semblaient avoir de l'esprit, les autres nous fuyaient comme des pestiférés.... Tu te souviens quand nous avons coupé les cheveux d'Éric le fils d'Anna... il avait un espèce de coupe au bol genre Dave, on lui fait un coupe de GI puis  on l'a laché dans la ruelle en lui disant qu'il avait une tête à sauter, demain, en parachute sur la Pologne... il avait un peu la queue entre les jambes.... Nicolas son pote, lui, a refusé. On a tourné dans leur film.. Pendant qu'ils nous tournaient autour...
Jordane la soeur d'Éric venait avec la soeur de celle dont nous tairons le nom et qui avait posé demi nue...Elles venaient jouer à la marchande en vrai et piquaient des pièces. Je piquais aussi de quoi me payer un pan bagnat chez la soeur dont nous tairons le nom.. Le soir je trainais sur la place et au bar à pan bagnat, j'y chantais, hurlais en buvant de la bière ou en fumant des joints. C'était l'été. Puis je rentrais avant qu'Anna ou Viviane me rejoigne ou Karine.
J'avais récupéré la chambre de Païgran et laissé les deux autres à mon frère et à son épouse... Le fantôme s'amusait à effrayer mes copines en frappant à l'intérieur des murs, violemment pendant cinq bonnes minutes...
Puis on a rencontré Dorothée je ne sais plus comment ni où.....
 
Joaquim: Tu abordes beaucoup de sujets d'un coup...Je vais donc essayer de te répondre point par point et donc ça va être long. J'avais rêvé d'un dialogue sec nerveux et rapide, un coup toi / un coup moi. Mais on est des vieux et les vieux ça monologue longuement en bavant sur la table, n'est ce pas?
En ce qui concerne les sculptures qui auraient représenté des corps dans de la résine, nous aurions pu trouver un moyen de contourner la loi par exemple en créant des corps artificiels en cire ou en latex, mais nous étions encore trop obnubilé par la peinture. Nous espérions que nos oeuvres plairaient et que l'on pourrait s'en tenir à ce support qui a de nombreux avantages pour la réalisation, le stockage et le transport. De plus comme nous l'avons déjà souligné nous n'avions pas d'argent.
Comme pour toi, la boutique fut pour moi un endroit fort sympathique du moins d'avril à juillet. Mais elle est devenue une charge lorsque je me suis aperçu que tu piquais dans la caisse et que les petits bénéfices que nous faisions, disparaissaient dans tes poches.  D'autre part nous gardions souvent la boutique à tour de rôle et je m'aperçus rapidement que tu avais confié ce travail à deux gamines de huit ans Jordane et Aicha dont l'une se servait systématiquement dans la caisse. C'est vrai que tu avais mieux à faire que garder une boutique de merdes et donc tu passais beaucoup de temps avec Karine, une joile blonde un peu bossue qui tenait une boutique de vêtements un peu plus bas dans la même rue que nous. Elle avait beaucoup d'histoires  à raconter. Elle avait notamment fait la pute pour permettre à Daniel Balavoine de signer ses premiers contrats, elle disait qu'il lui avait offert un appartement à Paris en remerciements de ses services. Mais cet été là, elle vivait chez un dealer de Menton et passait pas mal de temps à tirer sur de gros pétards bourrés d'héroïne.
Je n'ai par contre aucun souvenir du film tourné par Nicolas et Eric mais je me souviens avoir peint avec eux dans la cour de l'école de Gorbio sur d'immenses bâches en plastique que tu avais trouvé chez ton défunt grand père. C'est curieux que leurs parents ne se soient pas inquiétés de les voir nous fréquenter, il n'avait que douze ans à l'époque et ils nous ont aidé à réaliser l'installation de l'expos que nous avons faite cet été là dans le presbytère de Gorbio.
C'est vrai que tu partageais la maison de ton grand père avec ton frére et sa femme qui ne pouvait pas te blairer... Mais au début de l'été tu dormais encore dans ta chambre d'enfants qui sentait les pieds et la pisse de lapin, j'ai d'ailleurs un souvenir très net de toi au lit avec Dorothée, après le vernissage de l'expo au presbytère. Avec quelques amis nous avions décidé de gacher ta soirée, mais une fois au pied de ton lit, Dorothée nous rassura car il paraît que tu n'étais pas très en forme ce soir là....
Dorothée...où l'avions nous rencontré celle là?  Elle avait loué une boutique à Menton... une boutique ...elle aussi... c'était l'été des boutiques...dans l'immense escalier qui monte de la  plage à la basilique  St Michel il y avait des espaces voûtés que je n'avais jamais remarqué et c'est là qu'elle vendait ses cochonneries pour touristes lobotomisés.. Elle aussi avait beaucoup de choses  a raconter, c'était une spécialiste du vol à l'étalage qu'elle effectuait avec un grand sang froid un grand imper et surtout beaucoup  d'aplomb.  Elle se disait l'amie des membres du groupe d'art En Avant Comme Avant...en particulier de Titus qui était un collectionneur de tenues militaires. Nous étions fasciné par ce groupe qui représentait pour nous l'avant garde de l'avant garde et dont les exploits artistiques nous avaient été contés par ton cousin Fifi du groupe Mission Totale. Un jour où je n'étais pas là, ce dernier vint à la boutique accompagné du fameux Titus.  Tu lui vendis pour une bouchée de pain (que tu ingéras aussitôt d'ailleurs), une paire de chaussures de foot des années trente qui avait appartenu à mon grand père. Ce jour là, j'aurais dû te tuer tout de suite, mais il était dit que nous avions encore des réalisations communes à mener à leur termes et je t'épargnai.
Quant au fantôme je ne l'ai jamais entendu frapper même quand je suis venu habiter chez toi trois ans plus tard, à mon avis c'était ton frère dans la chambre d'à côté...car ton grand père  était bien trop gentleman pour revenir d'entre les morts te déranger avec une gonzesse alors que tu peinais tant à les ramener chez toi...
Tu parles aussi de Vivianne, elle me paraissait bien vieille à l'époque, comme Anna d'ailleurs. Elles approchaient de la quarantaine, avaient des enfants, étaient divorcées, chassaient de la chair fraîche tant qu'il était encore temps. Elles appartenaient à une catégorie sociale de femmes en forte augmentation au cours des années quatre vingts....

Bon hé bien, et le GAVE dans tout ça?

Urbano : Ce que je me rappelle du Gave dans tout ça c'est l'expo au presbytère  avec Ben, Mission Totale et je sais plus qui..... Fennolabate peut-être ? Nous avions invité ces gens là à exposer avec nous, chez nous. Nous en étions fiers.... Nous avons réalisé une installation assez déconcertante pour le quidam ordinaire... Notamment cette sorte d'autel au Loto. Nous avions découvert que les feuilles de participation sur l'envers possédaient un grand L noir, il nous fut facile en les assemblant judicieusement de faire apparaître une magnifique svastika très politiquement incorrecte... peut être la véritable nature des jeux de masse ???
Mais j'aime bien me souvenir des filles aussi, elles ont participé à ma construction d'adulte et par là même au GAVE, elles m'ont influencé et donc ont influencé mon travail au GAVE, elles m'ont aidé à tenir économiquement, moralement. Grâce à elles cet été là j'étais un prince des mille et une nuits...... Et puis parler que boulot même GAVE ça va vite me gonfler, genre catalogue technique : du ... au ... l'Iliade et l'Odyssée, suivi du cycle Arthurien.. et même en parlant peinture je serais obligé de parler des femmes de cet été là, je les peignait en héroïnes grecques ou celtes... Et puis c'était la bohème :
Ça voulait dire on est heureux
La bohème, la bohème
Nous ne mangions qu'un jour sur deux

Dans les cafés voisins
Nous étions quelques-uns
Qui attendions la gloire
Et bien que miséreux
Avec le ventre creux
Nous ne cessions d'y croire
Et quand quelque bistro
Contre un bon repas chaud
Nous prenait une toile
Nous récitions des vers
Groupés autour du poêle
En oubliant l'hiver

La bohème, la bohème
Ça voulait dire tu es jolie
La bohème, la bohème
Et nous avions tous du génie

Souvent il m'arrivait
Devant mon chevalet
De passer des nuits blanches
Retouchant le dessin
De la ligne d'un sein
Du galbe d'une hanche
Et ce n'est qu'au matin
Qu'on s'asseyait enfin
Devant un café-crème
Epuisés mais ravis
Fallait-il que l'on s'aime
Et qu'on aime la vie !!!!! (merci Charles)
C'était Viviane qui m'appelait à Trois heures du matin, me demandant si elle pouvait monter me lire un ou deux  chapitres de Garcia Marquez pendant que je la lécherais..
C'était escalader la façade pour rentrer furtivement réveiller amoureusement Anna dans sa chambre au premier étage... C'était regarder Karine en bustier et porte jarretelles se maquiller pour la nuit, à la lumière des bougies et fumant un joint dont le filtre était si long qu'elle ne pouvait l'allumer seule... C'était aussi l'été où j'appris  à ronronner parce que Viviane par fantaisie me le demanda....
C'était aussi :" Les Queues de Kalinaho" ce livre qu'avait acheté Mencar où l'héroïne était affublée de naissance d'une queue de primate, son père richissime avait créé pour elle une monde sur une île où tous portaient des queues, où les livres  ré écrits décrivaient une humanité pourvue d'appendices caudales de même que les peintures, sculptures et  antiques . Cela m'impressionna au point que je me servis régulièrement  d'une ceinture large d'un imper féminin panthère pour "intégrer ce monde".. Et rappelle toi: lors du vernissage de l'expo au presbytère : j'étais déguisé en Diable : cheveux très courts, deux boucles pour les cornes chaussures pointues caleçon décoré  au pochoir d'éclairs et postiche queue en chaîne de plastique rouge et blanc que le président communiste du comité des fêtes me demanda de quitter et se proposa de garder si je voulais entrer dans l'église écouter le concert.
C'était aussi les parfums Drakkar, Équipage et  Canoê, alternant avec Habit Rouge ...
Car même ces détails sont importants, ils donnent le LA (au sens musical)
Et oui encore un grand monologue où il n'a été question que du GAVE..    c'est bon je me tais ... tu peux charrier maintenant !!!

Joaquim: T'ai je froissé? Peut être... après tout tant pis...
MAIS ENFIN QUI ? Oui, qui ignore que les femmes participent à l'élaboration de l'oeuvre de l'artiste?...A l'égal des hommes d'ailleurs, ou de l'air et de l'eau, de la terre et des parfums, des conditions économiques, des maladies et des frustrations des joies et des peines....Oui Urbano d'où nous vient L'INSPIRATION?
NOUS NOUS EN BATTIONS ROYALEMENT LES COUILLES CET ETE LA.
Que tu aimes te souvenir de tes conquêtes ne m'étonne en rien...Que tu préfères penser au cul d'une meuf plutôt qu'à ce que tu appelles le boulot ne me surprend pas non plus. Les hétérosexuels en général aiment à prouver la puissance de leur virilité ...Mais permets moi un peu d'ironie, permets moi de rire un peu de ce léger déballage de trophée de chasse...Bandes tu quand tu y penses?
Pour moi ce que nous avons fait au GAVE ne s'est pas apparenté à un BOULOT, car de boulot je n'en ai jamais manqué.. Si j'ai choisi de tenter l'aventure artistique c'est parce que je voulais justement fuir le BOULOT!
Bon, passons...
As-tu pensé aux royalties pour Charles Aznavour? Qui va les payer? Hein?
HMMMM,Oui, tu étais beau dans ta tenue de diable pour le vernissage de l'expo: "Un été à Gorbio"...D'ailleurs tu montrais par cette tenue ta qualité de plasticien, car tu avais revisité l'image du diable. Tu portais un débardadeur noir et or étriqué peint au petit pochoir qui laissait tes seins à l'air libre. Tes jambes était gainées d'un vieux caleçon long sur lequel tu avais peint au pochoir quatre éclairs maigrichons. Tu avais mis,  et on se demande pourquoi vu la chaleur de ce début juillet, de grosses chaussettes de danse et des chaussures de ville grises pointues mais fort éculées....Mais surtout tu t'étais recouvert le corps, du moins les parties de ton corps qui étaient dénudées, d'une teinture rouge, certainement du mercurochrome, et tu avais complété le tout par des traces de noirs de suies à l'aide d'un bouchon cramé. Ta queue bien sûr, dont tu as déjà parlé et ta coupe de cheveux qui évoquait la pelade, finissaient de te donner un air de diable de bord d'autoroute après le passage du camion de goudron.
Pour ma part j'avais opté pour un style plus conventionnel, je portais une veste blanche sur laquelle j'avais collé un stickup airwick pour les WC et j'avais inscrit dans le dos en lettres multicolores et baveuses ART PROPRE. Ceci pour accompagner une l'installationdont tu as parlé: une svastika faite de quatre feuilles de Loto collées sur une grande feuille blanche,  elle même posée au sol comme une pierre tombale, le tout protégé par la même chaîne rouge et blanche que ta queue...non...la fausse... et surmonté d'une peinture dégoulinante sur du plastique jaune sur laquelle nous avions écrit en énorme et en bleu ciel le mot LIMIT.
La svastika portait quant à elle la mention ART PROPRE, comme ma veste...hé oui...
Ce soir là, ivre mais conscient je m'étais fait photographié faisant le salut Hitl...Romain au dessus de la svatiska, et je frémissais de joie en entendant au loin les murmures outragés des âmes bien-pensantes, dont la moitié au moins étaient d'anciens collabos...Nous étions en 1983, ils étaient encore nombreux....
Que voulions nous montrer par là?... Peut être l'idée que la recherche de la fortune grâce à  l'art est aussi aléatoire que gagner au loto et que l'instrumentalisation de cet espoir s'apparente à du totalitarisme...
Dans cette expos du presbytère nous avions aussi un espace en forme de L (encore) composé d'une vitrine dans laquelle nous avions exposé des femmes nues coupées en morceaux et enveloppées dans du papier hygiénique. La jambe du L était constituée d'un linoléum de 4mX2m sur lequel nous avions représenté une cuisine vue de haut, survolée par une énorme mouche qui avait laissé un sillage de fumée comme un avion dans le ciel. L'ensemble était parasyté par des guirlandes de papier hygiénique parsemée de morceau de polystiréne expansé rongé par de la peinture en bombe et piqueté d'une collection d'insectes pourris que nous avait donné Jean Luc Pelazza.
Ivre de Gin et de Tang à l'orange, j'avais été convié à la fin du vernissage à me rendre sur la place de l'église où devait se dérouler une joute oratoire entre Mission Totale et  le GAVE. En tant que président du Gave je me devais de tenir le rôle de l'orateur.
J'ouvris donc le bal. Je débitais un discours incohérent. Ma voix se perdait au dessus de la foule d'amateurs d'art et d'autochtones qui devaient prier pour que leur propres enfants ne me ressembla pas. Mes parents s'étaient enfuis.  Halletant, je finis  mon discours et constatais avec soulagement que trois personnes dans la foule riaient. J'étais sur le parvis de l'église, Phiphi de Mission Totale grimpant sur un escalier en face de moi commença un discours efficace et structuré qui condamnait les peintures de nos aînés. Sa voix forte portait plus que la mienne. Il me sembla qu'il remportait un franc succés.
Je partis dans la montagne en compagnie de Michelle Sassi. Mais je ne couchai pas avec elle car cet été là j'étais fidèle. A la nuit tombée je revins vers le village, m'arrêtait devant chez toi. Avec qui? Je ne sais plus..Je te surppris au lit avec Dorothée comme je l'ai raconté plus haut.

Urbano  : Ce n'est pas un déballage de trophées de chasse. C'étaient, comme disait Païgran : "mes bonnes amies" et je me permettait de leur envoyer un petit clin d'oeil en forme de sourire !!!
C'est vrai que la problématique de l'inspiration ne nous éffleura pas le moins du monde ni cet été là, ni les autres saisons suivantes. Seule comptait l'action, nous peignons  sept ou huit peintures par semaine, recouvrant partiellement le travail de l'autre, puis entassant une fois secs les rouleaux de canson, accueillant les rares visiteurs de la boutique les mains recouvertes de glycérophtalique, vite essuyées dans un chiffon dégoulinant de white spirit. Puis l'été mourut en automne. Je m'installai chez Anna.
Au fait quand avons nous rencontré C. Issert ?

Joaquim: Je vois bien que je t'ai froissé, en général quand tu commences à parler de Catherine Issert c'est que ça va mal...
Alors Catherine...Nous lui faisions une cour assidue depuis le printemps et elle nous proposa  en septembre une exposition collective avec Christian Lhopital et Daniel Roth.
Mais je m'en fouts, j'ai envie de parler encore de cet été là... Je me souviens que j'étais triste. J'avais l'impression d'être dans une impasse créative: notre peinture tournait en rond. Nous ne faisions pas autant de peintures que tu le dis...mais peu importe...
Un aprés midi dans l'arrière boutique basse et sombre, je peignais des lézards verts et jaunes sur un poste de télé détruit que j'avais recouvert de morceaux de plastic. Je crois bien que je pleurais. Tu étais arrivé avec Serge et vous vous étiez longuement peloté et embrassé sur un banc d'école peint en jaune qui se trouvait dans l'atelier. Gentiment vous aviez tenté de me consoler en me pelotant les jambes, le cul, la queue...en vain.
Une autre fois c'est la fin de l'été, on fabrique des fusées et des sous marins avec des bouteilles et des bombes de peintures vides, c'est bien pourri, même les enfants africains ne font pas aussi mal avec leurs jouets bricolés. Je rigole bien c'est un peu d'air frais dans cet océan de peintures de chevalet dans lequel nous marinons depuis quelques temps...
On met la fusée en vente dans la boutique pour 150 francs, bien sûr on ne la vend pas.  
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